Avant de devenir une figure familière du grand et petit écran, June Squibb a passé des décennies à forger son talent sur les planches, dans des théâtres régionaux et des tournées nationales à travers les États-Unis. Née en 1929 à Vandalia, dans l’Illinois, elle grandit entre une mère pianiste et un père assureur et ancien marin. Très tôt attirée par la scène, elle fait ses débuts en claquettes dans les bars du coin et décroche son tout premier rôle : celui de Boucles d’or. Sa passion la mène à Chicago, puis au Cleveland Play House dans les années 1950, où elle se forme au théâtre musical et comique — un tournant décisif dans sa carrière scénique.
C’est en 1959 que Squibb fait ses premiers pas à Broadway, incarnant une stripteaseuse dans la production originale de Gypsy aux côtés de la légendaire Ethel Merman. Au fil des décennies, elle construit une carrière solide et respectée, enchaînant les rôles dans des productions comme The Happy Time ou Sacrilege, tout en multipliant les tournées et les prestations Off-Broadway. Pédagogue accomplie, elle partage également son savoir en enseignant au HB Studio à New York. Alors que de nombreux comédiens de théâtre s’orientent vers le cinéma à la fin des années 1980, Squibb décide elle aussi de faire le saut — à 61 ans.
Son entrée à l’écran se fait par la grande porte avec Alice de Woody Allen en 1990, suivie de rôles remarqués dans Le Temps d’un week-end et Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese, grâce à la directrice de casting Ellen Lewis. Ce virage tardif se transforme en un chapitre riche de sa vie professionnelle. Dans les années 1990 et 2000, elle devient une actrice de second rôle incontournable. En 2002, son apparition mémorable face à Jack Nicholson dans Monsieur Schmidt d’Alexander Payne lui vaut une attention renouvelée. Cette collaboration mènera à son rôle phare dans Nebraska en 2013, qui lui vaudra une nomination aux Oscars dans la catégorie Meilleure actrice dans un second rôle — un personnage, admet-elle, largement inspiré de sa propre mère.
Tout au long de sa carrière, June Squibb s’est battue contre les stéréotypes liés à l’âge, soutenue par son défunt mari, le coach d’acteurs Charles Kakatsakis. Elle refuse les étiquettes, affronte les défis, et pousse les limites imposées aux femmes de son âge dans l’industrie. À 94 ans, elle franchit un cap inédit : elle décroche son tout premier rôle principal au cinéma dans Thelma (2024), une comédie d’action inspirée d’une véritable arnaque visant les grands-parents. Et contre toute attente, elle réalise elle-même la majorité de ses cascades, s’inspirant des grands classiques du film d’action. Le réalisateur Josh Margolin loue son énergie, son humour et sa tendresse, qu’il considère comme l’âme du film.
Aujourd’hui, dans sa dixième décennie, June Squibb est toujours aussi dynamique. Elle vit de manière autonome, avec l’aide d’une assistante, et continue à accepter des rôles variés, que ce soit à l’écran ou en tant que voix off. Forte d’une carrière s’étalant sur plus de soixante-dix ans, elle incarne une source d’inspiration rare — preuve que la passion et la ténacité n’ont pas d’âge. Son parcours illustre à merveille cette vérité essentielle : les limites ne sont bien souvent que des constructions sociales ou mentales, et la réalisation personnelle passe par la fidélité à soi-même, à tout moment de la vie.