Lucas rêvait de la mer depuis longtemps. Pendant des années, il avait économisé pour ce voyage, et maintenant, enfin, ses billets achetés, il se sentait presque heureux.
Lorsque sa femme Emma découvrit qu’elle était enceinte et que les médecins lui interdirent strictement de prendre l’avion, elle était certaine que son mari resterait à ses côtés. Mais un jour, Lucas prononça froidement et sans émotion :
— Les billets sont déjà achetés. Pourquoi gaspiller de l’argent ? J’irai seul, et toi, va chez ta mère pour l’aider à la maison.
Emma resta sans voix. Elle était au sixième mois, le dos douloureux à chaque mouvement, mais elle n’osa pas contester.
Deux jours plus tard, Lucas partit en vacances, tandis qu’on emmenait Emma chez sa belle-mère, dans un village où les toilettes étaient derrière le hangar, l’eau n’était jamais chaude, et « se reposer » signifiait à peine quelques heures de sommeil après une journée harassante.
Chaque matin, la belle-mère préparait la soupe, posait l’assiette devant Emma et disait :
— Fais ton travail, et ensuite tu pourras manger.
La future maman travaillait dans le potager, creusant la terre pendant de longues minutes, le souffle court et les jambes lourdes. La nuit, elle rêvait de la mer — non pas parce qu’elle avait envie de vacances, mais parce que son mari y était. Il lui envoyait des photos de la plage et de courts messages :
« Je profite, comme tu l’avais dit. »
Un jour, sous un soleil brûlant, Emma creusait des pommes de terre. Elle tenta d’appeler Lucas — il ne répondit pas.
Mais ce qui se passa ce jour-là dans le potager choqua tout le village.
La chaleur et la fatigue firent tourner la tête d’Emma. La terre sembla se dérober sous ses yeux. Elle tomba à genoux, respirant avec peine. La belle-mère sortit dans la cour, la regarda de haut en bas et dit sèchement :
— Tu es enceinte, pas malade. Il n’est pas temps de t’asseoir — la pomme de terre ne va pas se creuser toute seule.
Emma essaya de se relever, mais ses forces la trahirent. Quelques instants plus tard, son corps s’effondra et elle tomba face contre terre.
Une voisine qui passait par là vit la scène et cria. Les gens accoururent, soulevèrent Emma, la placèrent dans une voiture et la conduisirent à l’hôpital.
Les médecins furent catégoriques : encore un peu, et l’enfant n’aurait pas pu être sauvé.
Depuis ce jour, les voisins évitaient la maison de la belle-mère. Personne ne pouvait lui pardonner d’avoir mis une femme enceinte en danger.
Quand Lucas revint de la mer, bronzé et satisfait, il trouva sa femme dans une chambre d’hôpital — pâle, amaigrie, les yeux vides de toute trace d’amour.
